Ils achètent des maisons,
 Ils commencent des romans,
 Préparent une évasion
 Ou veulent un autre enfant.
 Ils se chantent des musiques,
 En secret, en silence.
 Leurs idées politiques
 Ont cinquante ans d'avance.

 Ils ont les yeux usés,
 Fatigués, les yeux gris
 A compter dans les nuées
 Les moutons d'insomnie.

 Il y a des hommes qui ne dorment jamais.
 Ils se souviennent d'une femme qu'ils aimaient.
 Il y a des hommes qui ne dorment jamais.
 Ils se souviennent d'une femme qu'ils aimaient.

 Ils ont parfois la haine
 D'un mot sans importance,
 Une fêlure souterraine
 Ouverte dans l'enfance.
 Ils attendent quelque chose,
 Une idée, un défi,
 Investissent à Formose,
 Et se ruinent à Paris.

 Ils ont les yeux usés,
 Fatigués, les yeux gris
 A compter dans les nuées
 Les moutons d'insomnie.

 Il y a des hommes qui ne dorment jamais.
 Ils se souviennent d'une femme qu'ils aimaient.
 Il y a des hommes qui ne dorment jamais.
 Ils se souviennent d'une femme qu'ils aimaient.